Article retrouvé dans le Moniteur Universel n°201 du Mardi 20 juillet 1856
Le Journal de la Haute-Saône, du 15 juillet, raconte ce qui suit :
« Sur les onze heures du matin, le 6 juillet, la femme Bernard, de Dampvalley, pauvre septuagénaire, ramassait quelques branches sèches dans le bois de Noroy, quand un loup de grande taille s’est jeté sur elle, l’a terrassée, et lui a fait aux aisselles, aux bras et à la main de larges et profondes blessures. Aux cris que poussait cette malheureuse, que son grand âge et la terreur rendaient incapable de résistance, la nommée Anne Riche, de Dampvalley, n’a pas tardé d’accourir. Armée d’un bâton, cette fille a résolument attaqué l’animal féroce, et, à force de coups, l’a contraint de lâcher prise.
A peu de distance, et quatre heures plus tard, le même loup se précipitait sur la nommée Beaupoil d’Essernay, âgée de douze ans, qui s’occupait au bois à cueillir des fraises. D’une seule morsure il lui arrache la joue, puis lui déchire la cuisse et la main. La mère accourt aussitôt, saisit son enfant et la délivre, mais non sans recevoir à son tour plusieurs coups de dents qui ne font heureusement que pénétrer ses habits. Cependant cette lutte désespérée aurait eu vraisemblablement un affreux résultat si la veuve Maurice ne fût arrivée au secours de ses compagnons. Pleine de dévouement et de courage, elle frappe le loup avec des pierres qu’elle avait ramassées à la hâte, attire sur elle la colère de ce terrible animal, qui d’un coup de griffe, lui fend la peau du front, lui enlève une partie du nez, et ne s’éloigne, fatigué de ce combat opiniâtre, que pour chercher d’autres victimes.
En effet, une heure à peine s’était écoulée, que les deux filles Gentil, demeurant aux fermes des Couleris, se trouvaient en butte à sa fureur. Attaquée sur le chemin du bois où elle coupait de l’herbe, l’une d’elles est terrassée par cette bête féroce, qui la couvre de blessures aux jambes, aux cuisses, aux bras, jusqu’au moment où la jeune sœur de la victime accourt et la défend avec intrépidité en faisant usage de la faucille qu’elle tient à la main. Mais déjà elle avait aussi les bras déchirés, quand saisissant le moment où le loup s’élance à sa figure, elle lui applique un coup de son instrument sur la tête avec tant de vigueur, qu’elle lui coupe profondément une partie de la lèvre, de l’œil et du nez. Se sentant blessé, l’animal s’éloigne, et bientôt sur son passage, il rencontre une femme des Regardots-de-Noroy, puis un habitant de Vallerois-le-Bois, auxquels il fait des morsures plus ou moins dangereuses.
Le lendemain, grand émoi dans les communes voisines ; on fait des battues, mais sans résultat. Cependant à trois lieues, ce loup, bien reconnaissable à la blessure sanglante qu’il portait sur le museau, rôdait sur les sept heures du matin, dans les bois d’Echenoz-le-Sec. Le garde forestier Viriot le voit venir, et s’étant mis sur la défensive, le sabre à la main, il lui porte un coup qui entame légèrement la tête de l’animal, mais qui toutefois est suffisant pour lui faire prendre la fuite.
Tandis qu’il s’éloigne et se dirige du côté de la plaine, toujours furieux malgré l’état d’extrême faiblesse où l’avait réduit la blessure de la veille, viennent à passer près du bois les deux frères Sautot et leur jeune sœur, qui se rendaient au travail des champs. Prévoyant sans doute qu’ils allaient être attaqués, l’aîné des deux jeunes gens fait ranger derrière lui son frère et sa sœur, et tenant une pioche de chaque main, il attend de pied ferme. Bientôt le loup s’élance sur son adversaire ; mais la pioche vole, et l’animal, frappé au flanc, tombe renversé sur le sol. Alors il reçoit une grêle de coups qui achèvent de l’étourdir ; quand il est hors d’état de se défendre, on le saisit, on le musèle, et on le conduit à Vesoul.
Nous nous empressons d’annoncer que M. le préfet, informé de la belle conduite d’Anne Riche, de Dampvalley-les-Collombe (orthographié ainsi dans le texte original, ndlr), vient d’accorder à cette femme, à titre de récompense, une somme de 20 francs. »